L’ALBUM
A travers cette image de la caresse d’une feuille de canne, EDS souhaite avant tout qualifier l’impact des mots. Le rap est pour lui la musique qui permet le mieux de dire. Chaque mot doit viser juste, ne peut être gaspillé. Et le rap qui crie le plus fort n’est pas celui qui dit le plus, qui sera le mieux entendu… Tous les sujets abordés dans l’album ont trait à l’estime de soi dans une société, un pays, un système qui étouffent l’expression des particularismes. Et parce que ces questions ne sont pas considérées dans l’espace public, volontiers détournées de leurs enjeux véritables, reléguées au second plan même au sein des communautés directement concernées, c’est peut-être la forme qui permettra aux mots de toucher. Prendre le temps pour en discuter, sans que le bruit alentour ne parasite le discours.
Plusieurs artistes ont participé à l’élaboration de cet album: Thomas Bellon (batteur du groupe Kassav), Boris Reine-Adelaïde (Kassav, Max Cilla, Admiral T) et Dan Amozig (JP Manova, Guts, Billie Brelok), les compositeurs Siam Lee et Manuel Mondésir, les beatbox Lagâchèt et Williams Café, les beatmakers Kakophonie Beatméka, Boogie Flaha, Purpro, Kung Lao, Nich Anba Bwa Lab, Gabriel Azérot (flûte de bambou), Gaet Allard (batterie) et des featuring avec Swaany, Mado et Sinké
LE LIVRE-PHOTOS/
C’est le recueil des 12 textes de l’album et d’un poème inédit, Fey Kann, avec traduction des textes en créole. Chaque texte est illustré par le photographe Lionel Chamoiseau. Le livre est préfacé par la poétesse Simone Lagrand. En couleurs, format carré 21 x 21 cm.
Titres de l’album:
La Caresse d’une Feuille de Canne
La caresse d’une feuille de canne fait moins peur que mal. Ceux qui n’ont pas à la subir l’ignorent, au pied levé lui prêtent même des vertus. Et ceux qui la subissent, à force, s’y sont habitués.
La trace qu’elle laisse n’a pas de nom, elle ne mérite pas qu’on s’y attarde.
Pourtant elle marque la chair.
La caresse d’une feuille de canne, cette feuille coupante, fait référence à ce qui est tu.
Sous-estimé, jusqu’à être nié.
Une référence à l’histoire, au symbole du travail de la canne aux Antilles.
Une référence à la colonisation, aux traces qu’elle laisse, si actuelles.
La canne. Symbole du travail forcé durant l’esclavage. Travail toujours contraint après l’abolition qui dédommageait le maître sans donner aux anciens esclaves d’autres moyens de subsister. Théâtre de luttes sociales durement réprimées même après la départementalisation. Devenue menace de régression sociale pour des parents qui rêvent d’un avenir meilleur pour leurs enfants.
Sortir de la canne. Quitte à se calquer sur l’autre, quitte à désapprendre à être soi.
Fuir sa condition, quitte à perdre une partie de ce qu’on est…
« On s’habitue à l’absence de lumière, se contente d’une lueur
Jusqu’à ce que ce leurre déteigne sur ta lumière intérieure »
[EDS., La Lumière]